Film Nanar : Origine et succès de ce phénomène cinématographique improbable

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Un long-métrage peut connaître l’échec critique et commercial tout en fédérant une communauté passionnée. Certains films, initialement rejetés ou moqués, voient leur notoriété exploser des années après leur sortie. La programmation de séances spéciales et la création de festivals dédiés témoignent d’un engouement inattendu. Le terme « nanar » s’impose dans les discussions cinéphiles dès les années 1980, alors que le bouche-à-oreille et les premières émissions spécialisées élargissent ce cercle d’initiés. Ce mouvement prospère aujourd’hui sur internet, porté par des forums, des classements et une production de contenus foisonnante.

Aux origines du nanar : quand le cinéma dérape avec panache

Le nanar trouve souvent sa source là où le cinéma s’accorde des libertés, frôle la parodie et s’engouffre, parfois à son insu, dans l’outrance la plus sincère. Le concept n’a jamais eu de contours parfaitement définis, mais certains indices restent invariables au fil du temps. On repère un nanar à son ambition hors de contrôle, ses effets spéciaux bricolés à la hâte, ses dialogues qui tutoient parfois l’absurde. Pas question de le confondre avec un simple film raté : le nanar s’inscrit dans une filiation complexe, héritée du cinéma d’exploitation et du cinéma bis des années 1970 et 1980.

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En France, l’arrivée de la VHS et l’essor des vidéoclubs changent la donne. Soudain, des œuvres jusque-là réservées à quelques initiés deviennent accessibles à tous. Le public se met à explorer des productions venues d’Italie, de Hong Kong, des États-Unis, et touche à tous les genres cinématographiques : blaxploitation, bruceploitation, science-fiction, horreur, action… À cette époque, les réalisateurs ne cherchent pas à faire rire. Ils visent grand, souvent trop grand pour leurs moyens, et c’est cet écart sincère qui fascine autant qu’il amuse.

Au début des années 1980, le paysage change radicalement. Lassés par les productions calibrées et sans aspérité, certains spectateurs se tournent vers ces films à contre-courant, véritables anomalies du grand écran. Une génération entière se prend de passion pour ce cinéma décomplexé, capable de tout oser, jusqu’à l’improbable. Cette ferveur fait émerger une culture du second degré et un public fidèle, toujours prêt à saluer l’audace des créateurs, même (surtout) quand tout part de travers.

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Pourquoi ces films ratés fascinent-ils autant ?

Ce qui attire dans le nanar, c’est cette alchimie étrange entre maladresse assumée et sincérité désarmante. Tandis que l’industrie du cinéma mise sur la maîtrise et la fluidité, le nanar expose ses défauts sans fard. Un personnage caricatural, une scène d’action surréaliste, un message involontairement comique : le spectateur assiste à un spectacle où l’échec devient, par moments, une forme d’art.

Les séances partagées prennent vite des allures de rituel collectif. La communauté nanarophile, très active en France, orchestre des soirées où l’on rit, où l’on reprend les répliques à l’unisson, où chaque moment bancal se transforme en souvenir mémorable. Le site Nanarland a largement contribué à souder cette communauté, propulsant le nanar au rang de film culte, célébré lors d’événements comme la Nuit Excentrique à la Cinémathèque française.

Impossible de nier la dimension nostalgique : ces films rappellent une époque où l’on improvisait, où les contraintes forçaient à l’inventivité. Les défauts deviennent des clins d’œil, les faux raccords des clous d’or. Chacun y retrouve un parfum d’enfance, une liberté sans filtre, une relation décomplexée au septième art.

Le nanar dynamite les règles établies. Il offre une marge de manœuvre et une irrévérence devenues rares. Ce cinéma du désastre fédère, rassemble, fait rire et provoque, loin du simple amusement passager.

Portraits cultes : les œuvres et réalisateurs devenus légendes malgré eux

Personne n’aurait parié sur un tel destin. Pourtant, quelques films et cinéastes, portés par l’excès ou la passion, ont offert au public des œuvres désormais incontournables. Tommy Wiseau en est l’incarnation parfaite. Avec The Room, drame improbable et comédie involontaire, il signe une œuvre adulée, disséquée, citée en boucle par une armée de fidèles. Sans le vouloir, Wiseau devient l’étendard d’un cinéma où l’échec se teinte d’un éclat inattendu.

Impossible de passer à côté de Plan 9 from Outer Space d’Ed Wood. Entre extraterrestres en carton, acteurs fatigués et scénario rocambolesque, ce film de science-fiction dépasse toutes les bornes du ridicule, jusqu’à devenir un jalon du genre. Turkish Star Wars pousse le concept encore plus loin, mélangeant sans scrupule des images de Star Wars à des séquences de combat improbables.

Voici quelques exemples marquants qui ont façonné l’histoire du nanar :

  • La saga Sharknado, avec Ian Ziering et Tara Reid sous la direction d’Anthony C. Ferrante, assume pleinement son statut d’ovni cinématographique, mêlant tornades absurdes et requins volants pour le plaisir du public.
  • Troll 2, souvent classé parmi les pires films d’horreur, fascine par sa logique défaillante et sa sincérité désarmante.
  • Jean-Marie Pallardy, figure française du genre, a signé des films d’action sans complexe comme Hitman le Cobra ou Virus Cannibale, devenus cultes pour leurs audaces et leur spontanéité.

Ces œuvres tirent leur force de la personnalité de leurs auteurs, à la fois créateurs et artisans de l’échec. Le nanar, loin de n’être qu’une curiosité, incarne la vitalité d’une contre-culture et l’odyssée d’artistes passés maîtres dans l’art du dérapage.

film kitsch

Le succès inattendu du nanar à l’ère d’internet et des communautés passionnées

L’essor d’internet et des réseaux sociaux a bouleversé la circulation des films nanar. Là où la VHS entretenait une discrète contre-culture, le numérique a propulsé ces œuvres improbables sous les projecteurs. Sur YouTube, extraits cultes, analyses et détournements créent une dynamique nouvelle, élargissant la communauté nanarophile bien au-delà des frontières hexagonales.

En France, Nanarland s’impose comme une référence incontournable. Véritable encyclopédie vivante, le site recense, analyse et défend ces films promis à l’oubli. La nuit excentrique, organisée chaque année à la cinémathèque française à Paris, attire des passionnés venus de toute l’Europe pour des projections collectives interactives. Le rituel est précis : applaudissements décalés, commentaires en direct, communion autour de l’art du ratage.

Dans la foulée, Netflix repère la tendance et ajoute à son catalogue des œuvres issues du cinéma bis ou de la série Z, ouvrant de nouveaux horizons pour les spectateurs curieux. La viralité, l’énergie des communautés et leur capacité à magnifier l’insolite forment un pied de nez réjouissant à l’uniformisation culturelle. Le nanar rassemble, surprend et réinvente le plaisir du visionnage. Il fait du faux pas un événement collectif, et du fiasco un rendez-vous attendu.

Demain, qui sait quel film oublié trouvera une seconde vie et deviendra le nouveau favori des amateurs de nanars ?